CONDUITE A TENIR DEVANT UN NODULE DE LA THYROIDE

par le Docteur Frédéric BRACCINI


* Institut Azuréen d’ORL et de Chirurgie de la Face
25 avenue Jean Médecin
0600 NICE
www.braccini.net

La découverte d’un nodule thyroïdien est une éventualité fréquente.
Sa prévalence clinique  varie entre 2,5 et 4% selon les séries, mais cette prévalence est multipliée par 10 si l’on considère les nodules de découverte échographique !
Le nodule thyroïdien isolé pose toujours l’éternel problème de son identité histologique, avec la possibilité d’un adénocarcinome (5 et 10 %).

Il se définit sur le plan macroscopique par l’existence d’une formation arrondie du corps thyroïde qui se mobilise à la déglutition.
Il est plus fréquent chez la femme, le sujet âgé, les sujets vivant en zone de carence iodée ou ayant subi une irradiation de la région cervicale dans l’enfance.
Sa découverte est le plus souvent fortuite plus rarement devant des signes de dysthyroïdies, des signes compressifs ou des complications tumorales à distance.
Cependant de plus en plus souvent il s’agit d’une découverte échographique  dont la résolution diagnostique est de l’ordre du mm.

L’interrogatoire fera préciser des facteurs de risque de malignité : ATCD de cancer médullaire, de néoplasie endocrinienne multiple de type II (Syndrome de Sipple), ou l’existence d’irradiation cervicale dans l’enfance. Il importe également de noter la date d’apparition, l’évolutivité du nodule, l’existence de signes fonctionnels locaux  (douleur, dysphonie) ou généraux (bouffées vasomotrice, diarrhée…).

L’examen clinique est essentiel, en se plaçant derrière le patient et en lui demandant de déglutir. Le seuil de palpation est variable selon la topographie du nodule et l’habitude du praticien. Il est de l’ordre du cm.
On appréciera les caractéristiques du nodule et on complétera la palpation par l’examen des aires cervicales et l’étude des cordes vocales.
Même s’ils n’ont aucune valeur formelle, certains éléments cliniques doivent faire évoquer la malignité :
L’age : avant 20 ans et après 40 ans
Le sexe masculin 
La consistance dure et irrégulière du nodule
La fixité du nodule et le caractère saillant sous la peau
Le siège isthmique , polaire supérieur et postérieur
L’immobilité d’une corde vocale
Des adénopathies cervicales suspectes

Le bilan étiologique sera étayé à l’aide d’examens complémentaires.   

La biologie :
Systématiques elle comprend les hormones thyroïdiennes (T3l, T4l, TSH us), un bilan phosphocalcique et le dosage de la thyrocalcitonie (cancer médullaire).
Les anticorps anti–thyroïde sont demandés en cas de contexte évocateur de thyoïdite. La thyroglobuline n’a aucune valeur diagnostique, son intérêt se situant dans la surveillance des cancers différenciés opérés.

L’échographie thyroïdienne
Son intérêt est essentiel :
-confirmer le diagnostic de nodule et en préciser les caractéristiques (taille, situation, échogénicité)
-étudier la morphologie du reste du parenchyme (nodule isolé ou non)
-examiner les aires cervicales à la recherche d’adénopathies suspectes
Elle permet également de guider une éventuelle cytoponction.
Son rôle est également important dans la surveillance des nodules.

Echographie de la thyroïde

La scintigraphie thyroïdienne au technétium

Son intérêt a beaucoup diminué ces dernières années face à la sensibilité des dosages biologiques. Elle ne se justifie actuellement qu’en cas d’hyperthyroïdie (nodule toxique).


Scintigraphie. Nodule toxique (extinctif)

Le Scanner

Il a peu d’intérêt dans le « nodule simple » mais trouve sa place dans le bilan d’extension des cancer et dans les volumineux nodules compressifs.

La cytoponction

Elle représente pour de nombreux auteurs l’examen clef de la stratégie thérapeutique.
Sa sensibilité s’est nettement améliorée depuis l’utilisation d’anticorps monoclonaux anti-peroxydase (ACM 47).
Elle nécessite pour  sa réalisation une technique irréprochable et des cytologistes expérimentés. Elle est réalisée à l’aiguille fine, avec ou sans aspiration et éventuellement écho-guidée.
Elle permet de se retrouver schématiquement dans 3 situations :

- Cytologie bénigne (75% des cas).
Elle peut autoriser une surveillance et sera répétée un an plus tard.
- Cytologie douteuse (20%).
Elle impose un nouveau contrôle ou le plus souvent une indication chirurgicale.
-Cytologie maligne (5%).
Elle impose le contrôle chirurgical.

Remarques :
Cytologie non contributive :
Dans une proportion non négligeable (environ 20 %), cette cytoponction n’est pas interprétable (cellules insuffisantes, cytologie hémorragique, « ponction blanche »).


Scanner : Cancer anaplasique de la thyroïde avec extension endo-trachéale (flèche)



Scanner: Volumineux nodules hypodense (flèche) au sein d’un goitre


Fiabilité

Cet examen est grevé de 3% de faux positif (thyroïdites lymphocytaires, oncocytomes), mais surtout de 5% de faux négatifs.

ATTITUDE PRATIQUE

Même s’il n’existe pas actuellement de schéma type adopté par tous il est possible de suivre une démarche logique qui permettra d’opérer le moins possible à titre diagnostic.

En cas de nodule non palpable de découverte échographique (inférieur à 1 cm) il n’existe aucune indication chirurgicale sous réserve d’un contrôle biologique de TCT.

En cas de nodule palpable (supérieur à 1 cm) :

Si le nodule présente des critères cliniques suspects, la chirurgie doit être envisagée.

Si le nodule ne présente pas de caractéristiques cliniques suspectes, les examens paracliniques prennent toute leur valeur.

En cas d’euthyroïdie, la cytoponction est déterminante. Elle autorise la surveillance en cas de cytologie bénigne, et conduit à l’intervention en cas de cytologie maligne ou suspecte.

En cas d’hyperthyroïdie, la scintigraphie confirme le nodule toxique dont le traitement s’appui sur la lobectomie chirurgicale.

En cas d’hypothyroïdie, la cytoponction sélectionne les malades à opérer,

notamment ceux porteurs de thyroïdites de Hashimoto (association pathologiques avec les lymphomes).

EN CONCLUSION

Le nodule thyroïdien pose toujours le problème de son contenu histologique.
L’attitude thérapeutique doit restée dépendante des examens paracliniques et en premier lieu de la cytoponction si l’on dispose de cytologistes entraînés.
Cependant seule l’intervention chirurgicale permet de lever tous les doutes devant un nodule de plus d’1 cm

 


Pièce de thyroïdectomie totale